lundi 3 février 2014

Chapitre III

Les jours qui suivirent l'évaporation subite d'Esther, Charlie restait possédé par cette suite inattendue d'événements. Ses petites habitudes merdiques l'occupèrent un temps. Se lever du mauvais pied, tartiner du pain carbonisé, faire couler un jus de caoua bien allongé, se gratter la tête et soupirer, se demander ce qu'on va faire de sa journée, prendre un sweat dans le bac de linge sale et l'enfiler, se passer un coup de flotte sur le crâne pour minimiser l'effet cadavéreux, descendre acheter des clopes puis remonter car l'on a encore oublié de prendre la monnaie, éviter les regards qui examinent notre mine de déterré, lécher les vitrines et se dire qu'on ne peut encore rien se payer, et finalement se résoudre sagement à rentrer.
C'était jeudi dans sa cuisine. Charlie étudiait très sérieusement le temps qu'il fallait à ses clopes pour se consumer jusqu'au filtre, en tenant compte de divers facteurs tels que l'inclinaison de l'objet, l'allumage briquet ou allumette, la température et l'aération de la pièce. Il aimait échafauder des théories basées sur des expériences à portée de cendrier, pensant que si elles ne valaient rien, au moins il avait le mérite de s'y être penché avant un futur Nobel. Arrivé à la phase d'interprétation de ce raisonnement hautement empirique, Charlie écrasa brusquement la Marlboro viviséquée. Claire Servajean venait d'entamer son insupportable Intertreize à la radio: "Nous apprenons à l'instant, par une dépêche AFP, la disparition d'Esther Bulle, une jeune artiste de cabaret à Lyon. Elle aurait été vue pour la dernière fois, il y a deux jours, aux alentours de minuit, à l'Harmony Club où elle travaille chaque soir. La Brigade Criminelle de Lyon chargée du dossier ne néglige aucune piste. Paul Schaffer, commissaire à la BC, s'oriente d'ores et déjà vers la piste mafieuse, qui selon lui -je cite -" refait surface de manière inquiétante dans les discothèques lyonnaises depuis quelques mois" fin de citation. Monsieur Schaffer ajoute également que "comme toujours en cas de disparition, il s'agit d'une question de temps". Aussi la BC de Lyon a-t-elle ouvert un N° d'urgence. N'hésitez pas à appeler le ..... si ... informations susceptibles d'aider...".
Charlie coupa la radio et s'écroula sur sa chaise. C'était elle, il en était sûr, et il était sans doute la dernière personne à l'avoir vue. Quelle emmerdeuse, cette fille ! Il avait bien senti qu'elle n'allait lui apporter que des embrouilles. Pourquoi s'était-il rendu dans ce cabaret miteux ce soir-là ? Il but un verre d'eau au robinet, geste qu'il réserve aux occasions extraordinaires. Il comprit alors qu'il n'était plus question de prendre ou perdre son temps à de vaines observations pseudo-scientifiques. Que fallait-il faire ? Appeler ? Se taire ? Oublier cette sinistre affaire ? On ne pouvait pas dire que son sens du devoir était extrêmement développé. Pouvait-on lui reprocher de ne pas appeler ? de ne pas témoigner ? Et ce Schaffer... Quel con ! Pas besoin d'être sorti de l'école de police pour savoir que la mafia régnait sur les nuits lyonnaises.
Il jeta un œil dans la rue, soupira profondément. Et si Esther lui donnait l'occasion de se racheter une certaine dignité... Son salut était peut-être à l'autre bout du fil. Il avait juste eu le temps de noter le n° de la Brigade.
"Service spécial enlèvement-disparition de la Brigade Criminelle de Lyon, j'écoute."

3 commentaires:

  1. Je ne la vois pas tellement évaporée, plutôt minérale et viscérale

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  2. je vois bien l'inclinaison mais j'ai du mal à homogénéiser le récit par rapport au chapitre 1

    C'est du noir, c'est clair, visqueux et gras..

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  3. C'est un bon exercice. Par contre, je ne sais pas où tu vas. La trame n'est pas claire.Continue, ça ne doit pas être facile!

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