jeudi 26 décembre 2013

Chapitre VII


Dans la fange jusqu’aux os.
Un filet de sang gouttait lourdement de sa paupière et venait s’effondrer dans une petite flaque chaude sous sa joue. Double merde, que s’était-il passé ? Il ouvrit un œil et tenta de se décoller du sol. Un mal impeccable irradiait sa face et se propageait à coup de massue dans son crâne. Charlie, dans quoi tu t’es fourré ! Il rampa visqueusement jusqu’aux waters, se hissa sur son lavabo en flagellant et admira les dégâts. Il l’avait salement amoché, le salaud ! Sa paupière gauche était incisée à la racine en demi-lune et pendouillait gravement sur l’œil. Impossible pour lui de l’ouvrir ni de le fermer. L’œil restait froid et sec, dans un noir incertain.
Des doutes, et comment qu’il en avait ! Devait-il laisser de côté son héroïsme de moindre mesure ou bien aller jusqu’au bout de cette histoire. Fouiner, ça lui plaisait bien. Et puis, il y avait cette fille, Esther. Mais l’idée de croiser à nouveau ce barbare et ses instruments lui coupait net le souffle. Une conviction seulement : il avait des ennuis et il devait se sortir de ce dédale sans trop s’abîmer. Il manqua le cendrier et écrasa sa sèche sur le lavabo. Pour l’heure, l’urgence était de se concentrer et d’affronter le mal avec sérénité. Les flicards devaient sans doute être en bas dans la rue. Pourquoi n’étaient-ils pas intervenus d’ailleurs ? Charlie saisit une éponge, l’humidifia et l’appliqua à petits cris de chien sur la plaie. 
Il fallait faire vite, réfléchir, trouver un plan. Il jeta son œil dans la rue. Ca jutait salement dehors. Les condés en bas, dans leur tire, sans bouger. Pas question de les brancher, ces mecs-là. Ils seraient capables de l’embarquer.
Sous un amas confus de choses sans valeur aucune, il se rappela qu’il avait entreposé le Bottin. Si Esther avait disparu, c’est qu’elle avait existé. Où créchait-elle ? « Bulle », Charlie crut se souvenir de ce nom annoncé dans le flash radio au lendemain de sa disparition. Entièrement polarisé sur les lignes du Bottin, l’œil du cyclope suspendit enfin sa course sur un nom. Bingo ! L’adresse indiquait un quartier populo du centre de Lyon, pas très loin de chez lui. Il empoigna son téléphone et composa le numéro, préférant s’assurer que personne, et surtout pas les flics, n’avait pris possession des lieux.
-       Oui ? … Allô ? … Qui est-ce ?
Il ne respira plus. Il s’attendait au mieux au répondeur, au pire à un de ces mecs peu fréquentables. Mais cette voix, il l’avait déjà entendue. Une tempête dans la caboche. Mais alors, si elle était là, où était-elle ?





 
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